5ème Dimanche du Temps Ordinaire
Pendant de nombreuses années, les paroissiens ont bénéficié des homélies et enseignements du Chanoine Sesboüé, exégète, ancien professeur au Séminaire et intervenant à la Formation permanente du diocèse. Après son retrait des activités paroissiales il a pris le temps de collecter et relire toutes ses homélies des trois années liturgiques. A partir du temps de l’Avent de cette Année A, chaque dimanche, nous nous réjouissons de méditer avec lui la Parole de Dieu.
Le disciple, témoin de Jésus
Par les deux images du sel et de la lumière, Jésus exprime à ses disciples leur vocation de témoins du Royaume.
1) Vous êtes le sel de la terre.
Quel est le symbolisme du sel ?
Le sel donne saveur aux aliments.
Peut-on manger sans sel un aliment fade, dit le livre de Job (Jb 6,8). Il conserve aussi les aliments, leur donne force. C’est ainsi que l’expression alliance de sel désigne dans la Bible la fermeté de l’alliance de Dieu avec son peuple. Tu ne laisseras pas ton oblation manquer du sel de l’alliance de ton Dieu, écrit le Lévitique (Lv 2, 13).
Le disciple est donc appelé à rendre savoureuse, durable et solide l’alliance des hommes avec Dieu, la nouvelle alliance apportée par Jésus.
Mais il y a aussi un autre sens au sel. Si le sel se dénature est exprimé littéralement par Si le sel devient feu. Or l’antithèse sagesse/folie est courante dans toute la Bible, notamment dans le Nouveau Testament. Le sel devient feu quand la sagesse se transforme en folie. Paul écrit aux Colossiens : Conduisez-vous avec sagesse envers ceux du dehors… Que votre parole soit toujours aimable, assaisonnée de sel. (Col 4, 5-6)
Le chrétien est sel de la terre parce qu’il est porteur de la sagesse évangélique : il doit la développer en lui, pour porter au monde, sans timidité, la Parole de Jésus, expression de la vérité et source de vrai bonheur.
2) Vous êtes la lumière du monde.
L’autre dimanche, nous entendions saint Matthieu nous présenter Jésus comme la vraie lumière, en citant le bel oracle d’Isaïe : le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière…
Cette image de la lumière est d’abord un appel au courage de se laisser voir, sans crainte, sans respect humain.
On n’allume pas une lampe pour la mettre sur le boisseau ; on la met sur le lampadaire et elle brille pour tous ceux qui sont dans la maison.
C’est aussi à être un exemple, par les bonnes œuvres. En voyant vos bonnes œuvres, ils rendront gloire à notre Père des cieux.
Quelles sont ces bonnes œuvres ? Tout ce qui est conforme à l’Évangile, bien sûr. Mais plus particulièrement, les œuvres de charité.
La première lecture, du livre d’Isaïe, met en relation la lumière du fidèle avec tout ce qui est bienfaisance, charité. Partage ton pain avec celui qui a faim… couvre celui que tu verras sans vêtement… alors ta lumière jaillira comme l’aurore. Et encore : Si tu donnes de bon cœur… ta lumière se lèvera dans les ténèbres.
Donner aux autres, se donner au service des autres, telle est la manière de manifester et de transmettre la lumière de Jésus.
Sans doute, on pourra objecter : les chrétiens n’ont pas le monopole de la bienfaisance, de la charité. En quoi les œuvres de charité peuvent-elles être un témoignage propre aux disciples de Jésus ?
Certes, tout homme qui a bon cœur peut faire du bien à ses frères, mais le chrétien donne le témoignage d’une charité reliée à Jésus.
La charité chrétienne est originale.
— Tout d’abord elle est basée sur la foi qui lui donne tout son sens.
Le chrétien aime les autres et se dévoue pour eux parce qu’il voit en eux des images de Dieu, rachetés par Jésus, et qu’il veut ainsi imiter son Seigneur qui donne sa vie pour nous.
— Par ailleurs, la foi donne force à la charité, lui permet d’être persévérante. Beaucoup d’efforts seulement humains se fatiguent vite ; le chrétien, sans cesse stimulé par sa foi, peut vaincre la lassitude et les difficultés, les blessures. Et en ce dernier cas, par l’exercice de la miséricorde et du pardon.
— Enfin la foi donne à la charité une extension universelle, dans le temps et dans l’espace. En langage chrétien, la solidarité devient la communion fraternelle.
Nous comprenons alors que Saint Paul distingue le dévouement purement humain et la vraie charité.
Quand je distribuerais tous mes biens en aumônes, si je n’ai pas la charité, cela ne me sert à rien.
Parler le langage de la foi, aimer au nom de la foi, telle apparaît la vocation de témoignage de tout chrétien.
Il est clair que la réponse à cette vocation doit être constante, sans cesse renouvelée par un profond désir d’être vraiment pour notre monde sel de sagesse et lumière d’amour. Car ce vous êtes est aussi un vous devez être, selon la formule de saint Augustin : Vous êtes le corps du Christ ; devenez ce que vous êtes.
Amen.