6ème Dimanche du Temps Ordinaire
Pendant de nombreuses années, les paroissiens ont bénéficié des homélies et enseignements du Chanoine Sesboüé, exégète, ancien professeur au Séminaire et intervenant à la Formation permanente du diocèse. Après son retrait des activités paroissiales il a pris le temps de collecter et relire toutes ses homélies des trois années liturgiques. A partir du temps de l’Avent de cette Année A, chaque dimanche, nous nous réjouissons de méditer avec lui la Parole de Dieu.
La nouveauté de la Loi
Après les introductions des béatitudes et des appels à être de vrais témoins, Jésus en son discours inaugural, donne les grandes lignes de son message spirituel et moral : la loi nouvelle de l’amour.
Il est reconnu comme un maître qui parle avec autorité. Il est surveillé de près par les scribes, les docteurs de la loi — dont beaucoup étaient pharisiens — et soupçonné déjà de prendre trop de distance avec cette loi des ancêtres qui vient de Dieu. Et il veut appeler les âmes de bonne volonté à une justice c’est-à-dire une perfection, d’un niveau supérieur. Le ton est donné par cette sentence : Si votre justice ne surpasse pas celle des scribes et des pharisiens, nous n’entrerez pas dans le Royaume des cieux. Et elle va être illustrée par plusieurs exemples qui comparent les prescriptions de la loi israélite — à commencer par le décalogue — avec la loi nouvelle.
Le cadre de base de cette comparaison est l’antithèse entre la loi ancienne (vous avez appris qu’il a été dit aux anciens) et la parole de Jésus : et moi je vous dis.
Trois points retiennent notre attention en ce dimanche : le respect de la vie des autres ; le respect du bien conjugal ; le respect de la parole donnée.
1) Meurtre et colère
L’un des grands préceptes du décalogue était le respect de la vie humaine.
Tu ne commettras pas le meurtre. Tuer était justiciable du tribunal représentant le jugement de Dieu. Aux origines de l’humanité, le meurtre d’Abel par Caïn était l’exemple-type de l’introduction du mal dans l’humanité.
Jésus remonte à la cause : tout homme qui se met en colère contre son frère en répondra au tribunal. La haine de l’autre s’exprime par la colère et la colère peut inciter au meurtre. Le sage Ben Sirac disait : une dispute précipitée allume le feu ; une querelle soudaine répand le sang.
La haine et la colère s’opposent à la loi d’amour. Jésus demande à ses disciples d’avoir un cœur aimant, de refuser l’irritation qui brise cet amour.
2) Adultère et regard impur
Le décalogue réprouvait aussi l’adultère, l’infidélité conjugale. Om a compris qu’il s’agissait, à travers cet interdit, de respecter la vertu de chasteté, de pureté. Jésus demande de ne pas s’en tenir seulement à une fidélité matérielle, extérieure, mais ici encore de remonter jusqu’à la cause : un regard de convoitise, c’est-à-dire un désir volontaire, au fond du cœur. Ce point attirait déjà l’attention des sages d’Israël. J’avais fait un pacte avec mes yeux, dit Job (Jb 31,1) dans sa profession de fidélité ; et aie honte de regarder la femme prostituée (Si 41, 22).
La pureté du cœur est aussi une attitude d’amour des autres, car elle rend disponible et veut respecter la situation et la vocation de chacun.
3) Les serments et la parole de vérité
Vous avez appris qu’il a été dit : Tu ne feras pas de faux serments… ce que l’on appelle le parjure.
Mais nous voyons dans le judaïsme tardif que les serments — l’appel à Dieu de la vérité de ce que l’on dit — s’étaient multipliés.
Nous lisons encore dans Ben Sirac : N’habitue pas ta bouche au serment, ne t’accoutume pas à nommer le Saint… Celui qui fait des serments et nomme Dieu sans cesse ne peut être pur de péché. Jésus demande à ses disciples, une relation de grande loyauté les uns envers les autres : que votre oui soit oui et que votre non soit non.
L’épître de Saint Jacques se fait l’écho de cette directive : mes frères, ne jugez ni par le ciel, ni par la terre, ni par quelque autre serment ; que votre oui soit un oui et votre non un non.
Il nous faut maintenant tirer les leçons spirituelles de ces déclarations de Jésus. Tout d’abord nous regardons notre monde et mesurons à quel point il a besoin d’entendre ces appels et d’y répondre.
La haine et la violence sont largement répandues, entre nations, entre groupes sociaux, entre personnes individuelles. Nous en recevons quotidiennement le témoignage. Nous prions pour la fin de ces conflit interminables, mais nous devons, chacun à notre place, travailler à ce respect de la vie humaine accordée par le Seigneur comme un talent à faire fructifier. Il nous faut être attentifs à dominer les sentiments d’irritation, d’hostilité en les convertissant, en désirs de paix, de respect des autres, finalement en amour. L’amour chrétien n’est pas l’approbation de toutes les attitudes des autres ; par-delà les comportements opposés à l’Évangile que nous pouvons reconnaître, l’amour est cette victoire en nos cœurs du bien sur le mal et le désir profond du bonheur de l’autre, toujours aimé de Dieu et appelé à vivre de lui.
Le respect du plan de Dieu sur la solidité du lien conjugal est aussi une valeur trop ignorée de nos sociétés. De l’infidélité en ce domaine, combien de livres publiés, de spectacles offerts pour amuser lecteurs et spectateurs. Il nous appartient de renforcer en nos cœurs la conviction, la beauté du plan de Dieu sur la famille, sur l’harmonie demandée entre les époux et dont heureusement nous avons de beaux exemples autour de nous. Et devant tant de misère en ce domaine, nous voulons compatir en charité et aider, dans la mesure du possible, nos frères à se rapprocher du Seigneur pour la conversion du cœur. Pour nous, il nous faut veiller, dans la simplicité et la confiance, à garder nos cœurs purs et disponibles au vrai amour.
L’appel à la loyauté, qui rend inutiles les serments dans la vie courante, est aussi actualité. Tromper les autres pour en tirer intérêt n’est-ce pas l’objet de toutes ces « affaires » répandues au grand jour et qui supposent tant de mensonges cachés au cœur du monde ? Être loyal, fidèle à la parole donnée, est une condition vitale de notre appartenance au Royaume de Dieu.
Rendons grâces à Jésus de nous donner, en sa personne et par ses paroles, l’exemple du vrai bonheur de la fidélité à notre Dieu, et efforçons-nous de nous rendre toujours plus proches de lui.
Terminons par cette réflexion de Saint Augustin :
Quelle béatitude plus grande que de vivre pour Dieu, que de vivre de Dieu, auprès duquel est la source de vie et dans la lumière duquel nous verrons la lumière.
Amen.