Cathédrale Saint-Julien, Le Mans – Dimanche 4 juillet 2021, Messe d’action de grâce pour les Pères Jean-Pierre, Charles et Vincent, Mot d’envoi
Chers Jean-Pierre, Charles et Vincent, nous n’allons pas vous laisser partir vers de nouveaux horizons missionnaires sans vous adresser quelques mots. Reste à savoir ce qu’il convient de dire en cette circonstance. L’entrée en matière de ce propos m’a été soufflée par un paroissien généreux. Lorsque nous ouvrons l’Évangile selon saint Matthieu, au chapitre deuxième, nous apprenons que des hommes – mystérieux et anonymes – avaient entrepris un long et périlleux voyage depuis les contrées de l’Orient jusque dans la ville de Jérusalem. Le but de leur périple était de rendre hommage à l’Enfant-Dieu qui venait de naître. L’entreprise était hasardeuse mais aucun obstacle ne les fit reculer : ni l’absence de GPS, ni les rigueurs climatiques d’un soleil étouffant, ni la folie inquiétante d’un certain Hérode ni même les caprices de leurs chameaux (car le chameau est capricieux, comme chacun sait). À cette époque, nul ne songea à consigner par écrit les prénoms de ces visiteurs. Seule demeura la qualité de leur démarche, tel était bien l’essentiel. Les progrès considérables des connaissances archéologiques nous permettent désormais de savoir que le premier de ces voyageurs se prénommait Charles et venait de la Corée, le second s’appelait Jean-Pierre et arrivait du Cameroun, le troisième répondait au prénom de Vincent, originaire d’une contrée incertaine et mal connue : la Loire atlantique. Tous trois se mirent en route vers la ville cénomane, carrefour des nations, guidés par l’étoile de Saint Julien. Aucun obstacle ne les fit reculer : ni le tempérament gaulois, toujours humble et jamais râleur, ni la chaleur tropicale qui règne dans nos églises jusqu’au cœur de l’hiver, ni l’absence de rizières, de manguiers et même – cruauté suprême – de muscadet.
Par des itinéraires humains et spirituels différents, vous êtes arrivés en Sarthe et avez commencé à servir des communautés auxquelles vous offrez votre histoire, vos compétences qui sont nombreuses, vos expériences, votre enthousiasme, votre générosité, votre amour du Christ et de son Église. Un esprit aussi aventurier que le mien nourrit une grande admiration pour votre détachement et votre capacité d’adaptation. Oui, même pour un fils de la région d’Ancenis, il en faut de la souplesse pour prendre racine dans cette terre que l’on dit méfiante d’abord puis accueillante quand on a fait ses preuves. Sans conteste, elle vous a accueillis parce que vous vous êtes laissés accueillir et rendus disponible. Ce faisant, vous nous avez ouvert les yeux et le cœur à la dimension universelle de l’Évangile. Une communauté chrétienne qui se ferme sur elle-même est condamnée à mourir d’asphyxie en peu de temps. Ce ne sont pas des mots mais une profession de foi et une expérience. L’Église est universelle ou elle n’est pas ! Vous avez pris au sérieux le propos que Jésus nous adresse aujourd’hui : « Nul n’est prophète en son pays ». Merci donc à vous trois d’être pour nous des prophètes et des disciples-missionnaires.
Bien entendu, sans révéler de secrets d’État ni de presbytère, nous pourrions encore citer quelques faits significatifs :
- la procession de Jean-Pierre, chaque jeudi matin, vers un lieu que j’ai interdiction formelle de dévoiler, pour y trouver les meilleures mangues de la région ; ses redoutables décoctions de piment fomentées dans le secret de l’arrière-cuisine et qui rendraient aveugle un viking ; son combat acharné contre les rigueurs hivernales à partir de la mi-septembre et jusqu’à la fin du mois de juin ; son initiation courageuse et prometteuse à l’art du tennis.
- la connaissance intime que Charles possède non pas seulement de la culture française mais aussi de l’esprit français dont il aime parfois se moquer avec une vraie tendresse ; sa technique imparable (et assez déloyale) pour se faire acclamer des enfants du caté à coups de bonbons et autres sucreries ; sa confiance fondamentale dans la bonté humaine qui le dissuade de fermer portes et placards et qui l’encourage même à laisser les clés dessus (nos sacristains en font des ulcères, le curé aussi !)
- les talents logistiques de Vincent (pas vraiment maniaque, mais organisé) ; le memorandum de 12 pages qu’il m’offrit en signe de bienvenue et grâce auquel je pus arriver assez sereinement ; sa capacité à passer des problèmes de conjugaison grecque dans la seconde épître de Saint Paul apôtre aux Corinthiens au gardiennage d’une chienne très intelligente certes mais un peu rebelle à toute initiation chrétienne ; ses initiatives culinaires encore timides mais que la gestion d’un poulailler devrait prochainement encourager.
Je laisse à chacun le soin de compléter cette petite litanie par ses propres souvenirs. Pour terminer, nous ne pouvions pas échapper à une tradition désormais bien ancrée selon laquelle chaque prêtre ayant servi dans notre ensemble paroissial reçoit un cadeau digne de figurer dans son futur bureau. Je crois même que cette tradition prévoit que soit invité – au cours du premier trimestre de la nouvelle année pastorale – le curé de la cathédrale et de la Couture pour vérifier si le cadeau est accroché en bonne place à Mamers, à Solesmes et à Notre-Dame du Pré. En échange, nous saurons créer des occasions pour avoir le plaisir de vous retrouver en ces lieux où vous serez toujours les bienvenus, y compris pour venir en pèlerinage avec vos paroissiens respectifs. D’ici quelques jours, vous recevrez – en complément de cette aquarelle – le témoignage de la reconnaissance des chrétiens de nos communautés, sous la forme d’un chèque dont vous saurez faire bon usage !
Enfin, dans quelques instants, nous pourrons nous retrouver au fond de la cathédrale pour trinquer à votre santé en respectant les règles de prudence sanitaire auxquelles nous sommes habitués. Merci de tout cœur à ceux qui ont bien voulu organiser cet apéritif que nous espérions depuis bien longtemps.
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