Notre cher Chanoine Sesboüé avait été très heureux que notre Ensemble paroissial publie, semaine après semaine, ses homélies dominicales. Après son décès, après quelques semaines de recueillement, par fidélité et reconnaissance, nous reprenons la diffusion de ces belles méditations.
29ème Dimanche du Temps Ordinaire
Dieu et César
La sentence finale de ce passage d’évangile – qui en constitue le sommet – est une des rares qui soient universellement connues au-delà même du cercle chrétien : « rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ».
Elle est souvent citée comme le fondement biblique de la séparation de l’Eglise et de l’état. Il peut y avoir là une part de vérité, mais il serait trop simpliste de s’en contenter.
Ce texte est aujourd’hui par un passage du livre d’Isaïe qui souligne la grandeur et la seigneurie absolue de Dieu sur le monde.
Nous sentons déjà que Dieu et César ne sont pas sur le même plan, comme sil ils se partageaient leur influence sur l’humanité.
Nous pouvons alors nous poser deux questions :
1.Pourquoi cette demande des pharisiens à Jésus ?
- Quelle est le sens de la réponse de Jésus ?
1.Pourquoi cette demande des pharisiens à Jésus ?
Elle aurait pu traduire l’inquiétude, le scrupule de conscience des juifs pieux de l’époque. En effet la foi au Dieu de l’alliance, seul vrai roi d’Israël et aussi du monde entier, permet-elle, lorsqu’on paie l’impôt, de reconnaître une royauté terrestre, en l’occurrence celle de l’empire romain, et de pactiser ainsi avec elle ?
L’éloge que font les pharisiens de la personne de Jésus – vrai, enseignant le chemin de Dieu, exempt de toute pression et de tout favoritisme – laisserait à lui seul penser que la démarche est loyale et porte sur un point important de la vie religieuse des croyants. Mais les trois évangiles synoptiques nous invitent à déceler une hypocrisie. Les interlocuteurs veulent prendre Jésus en défaut, lui tendre un piège comme en d’autres circonstances. « Est- il permis ou non ? Cette demande d’une réponse par oui ou par non, qui ne laissent place à aucune nuance, veut permettre d’attraper Jésus. S’il répond oui, il sera taxé de collaboration avec le pouvoir occupant ; s’il répond non, il s’affirme partisan de la révolution. Mais jamais Jésus ne se laisse enfermer dans un piège.
- Quelle est le sens de la réponse de Jésus ?
Comme dans d’autres circonstances, elle s’exprime par le geste et la parole.
Le geste permet une suggestion concrète, la parole va préciser l’intention du maître. C’est ainsi que procédait souvent les prophètes d’autrefois. « Montrer moi une pièce de monnaie » Tout juif porte avec lui quelque monnaie, qui est celle de l’empire. » Cet effigie et cette légende, de qui sont-elles ? »
La conclusion s’impose.
Puisque l’on utilise la monnaie d’empire et avec elle les avantages d’un pouvoir organisé, n’est-il pas normal de payer l’impôt ? Le geste est suggestif et exprime déjà l’enseignement. Mais celui-ci est précisé par une sentence. « Rendez à César ce qui est à César » aura suffi pour dire : « oui ». Mais Jésus élève le débat par cette référence à Dieu. Il ne demande pas de faire deux parts égales dans nos centres d’intérêt, entre le civile et le religieux, mais de faire l’unité de nos vies autour du service de Dieu. En rendant à César ce qui est à César, en l’occurrence en payant l’impôt, n’oubliez pas de servir Dieu ; ou, plus profondément, faites de cette obligation un des devoirs que Dieu vous demande.
Il s’agit de faire l’unité de sa vie dans le oui perpétuel à ces appels.
En ce sens Saint Paul nous dit « rendez à chacun ce qui lui est du : A qui l’impôt, l’impôt ; car celui qui s’insurge contre l’autorité se révolte contre l’ordre voulue de Dieu » (Rom, 13, 7-2)
Il est clair que ce principe ne s’applique plus de la même manière lorsque l’autorité civile demande ce qui se s’oppose au plan de Dieu. Un autre vient le nuancer : « il faut mieux obéir à Dieu qu’aux hommes. » (Actes, 5 – 29)
De toute façon l’autorité humaine légitime vient de Dieu et dépend de Lui. Une formule suggestive du 4ème évangile peut être évoquée à ce propos : « Etre dans le monde sans être du monde. » Le chrétien est dans ce monde créé par Dieu, sans évasion, en acceptant toutes les obligations que cela comporte ; mais il n’est pas complice d’un monde qui voudrait se suffire à lui – même en se coupant de Dieu.
Nos devoirs envers notre nation, dont nous sommes les citoyens, s’intègre ainsi dans l’ensemble des appels de Dieu, transmis par Jésus. Dans ce domaine, deux attitudes spirituelles nous sont particulièrement demandées : la loyauté et le discernement.
La loyauté nous portera à ne pas fuir nos responsabilités devant la marche de notre monde. Nous profitons de tout ce que l’été nous apporte dans l’organisation de la vie de tous les jours. Il nous faut prendre notre part, non seulement financière, mais de service, l’engagement selon nos possibilités, pour le bien commun. Car le Dieu créateur nous confie la bonne marche de ce monde.
Mais il faut aussi exercer la loyauté : lorsque telle mentalité sociale, telle loi, telle acceptation de comportement s’oppose à la morale, c’est-à-dire au plan de Dieu – nous devons sans violence mais fermement nous ranger du côté des disciples de Jésus pour lesquels l’attachement au Seigneur passe avant tout.
L’amour de Dieu par l’amour des autres fait l’unité de notre vie.
Terminons par cette réflexion de saint Augustin : « Que réclame de toi César ? son image. Que réclame de toi le Seigneur ? Son image. Mais l’image de César est sur une pièce de monnaie ; l’image de Dieu est en toi.