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Préparation ultime des catéchumènes : les scrutins, trois rites pénitentiels durant le Carême

Par Sœur Odette Sardathéologienne appartenant à la congrégation des Dominicaines, et P. Dominique Sentucq, prêtre du diocèse de Bayonne, Lescar et Oloron

Les photos…

Avant leur baptême, les catchumènes sont invités à vivre trois rites pénitentiels : ce sont les scrutins qui ont lieu les 3ème, 4ème et 5ème dimanches de Carême.

Un temps de retraite et de conversion

La célébration de l’appel décisif ouvre, pour les catéchumènes le temps appelé « de la purification et de l’illumination » car cette période est un temps de retraite spirituelle et de conversion durant le temps du Carême.  Les baptisés sont appelés eux aussi à entrer dans cette même démarche de combat spirituel. C’est un temps de grâce qui est offert ainsi aux uns et aux autres. À la Veillée pascale qui suivra, les catéchumènes recevront les sacrements de l’initiation chrétienne et les baptisés renouvelleront la profession de foi baptismale.

Pendant les 40 jours du Carême, avec l’ensemble des chrétiens, les catéchumènes vivent comme un « entraînement » (tels des sportifs !), par la prière, l’écoute de la parole de Dieu, la conversion… sans oublier la pratique de l’effort personnel et de la charité envers les autres. Il est demandé aux futurs baptisés, durant ces 40 jours, « d’avoir le désir de parvenir à une connaissance intime du Christ. » (Rituel, n°149)

Cette période est aussi l’occasion, pour les catéchumènes, de se repréciser les choix qu’ils ont fait et qu’ils auront toujours à faire, d’affermir leur désir continuel de conversion. L’expérience montre que ce temps peut être très important pour eux : combats intérieurs, surgissement de doutes et de peurs, pressions de l’entourage, etc.

Plus que jamais, ils ont besoin d’éprouver la force de Dieu, la prière et le soutien de tous. Le fait que cela se passe pendant le Carême doit leur permettre de bénéficier du soutien des baptisés, de la communauté chrétienne. Si ce temps est décisif, il doit être « autre ». On veillera donc à bien marquer sa particularité de ce temps, par rapport par rapport à la formation précédente, afin que les catéchumènes n’arrivent pas au jour du baptême sans s’en rendre compte.

L’Église propose aux catéchumènes un « itinéraire spirituel » jalonné par la célébration des trois scrutins avec leurs exorcismes, afin qu’ils soient fortifiés et qu’ils préparent leur cœur à recevoir les dons du Seigneur. Les scrutins ne sont pas isolés et demandent une progression. Ils doivent s’inscrire dans un parcours spirituel de conversion qui nécessite durée, efforts à poursuivre, et recommencements ! Ce n’est pas un hasard, ni une contrainte s’ils sont au nombre de trois : on ne peut y entrer vraiment en une seule fois ; il faut y revenir, recommencer, entendre à nouveau les appels du Christ.

Les trois scrutins

Pendant cette période de l’ultime préparation aux sacrements de Pâques, l’Église offre aux catéchumènes trois rites pénitentiels que l’on appelle « scrutins ». Le mot évoque le discernement entre la lumière et les ténèbres. Les « appelés » sont invités à la conversion, à se tourner vers le Seigneur pour se voir à sa lumière.

Le rituel recommande de célébrer ces trois scrutins, solennellement, les 3ème, 4ème et 5ème dimanches de Carême. Pourquoi ? Parce que les baptisés ont à vivre cette dimension de conversion avec les catéchumènes. Et la Présentation générale du Lectionnaire romain l’indique clairement :

« … On a rétabli pour l’année A, les Évangiles traditionnels de l’initiation chrétienne : Samaritaine, Aveugle-né, Lazare ressuscité ; en raison de leur importance, on peut les utiliser aussi pour les années B et C, en particulier là où il y a des catéchumènes. » (PGLR n°21)

Ces évangiles évoquent l’un des grands symboles du baptême chrétien. La célébration des scrutins ne pèse pas sur la messe dominicale paroissiale : le rituel l’a prévu bref. Il doit donc garder sa simplicité et sa brièveté, il y gagnera d’ailleurs en qualité et en force. On évitera de l’alourdir, par exemple, en lui ajoutant un rite pénitentiel ou des commentaires qui n’ont pas leur place ici.

Premier scrutin

Le troisième dimanche de Carême est lu l’évangile de la Samaritaine à qui le Christ donne l’eau vive. « La soif torture les hommes en ce monde, et ils ne comprennent pas qu’ils se trouvent dans un désert où c’est de Dieu que leur âme a soif. Disons donc, nous : “Mon âme a soif de toi.” Que ce soit le cri de nous tous, car unis au Christ nous ne faisons plus qu’une seule âme. Puisse notre âme être altérée de Dieu. Les yeux fixés sur la résurrection du Christ dont Dieu nous donne l’espérance, au milieu de toutes les carences qui nous accablent, monte en nous la soif de la vie incorruptible. Notre chair a soif de Dieu. » (St Augustin)

Trois chants ont été spécialement écrits pour la célébration de ce premier scrutin : « Si tu savais le don de Dieu » (G 14-59-1), « Dieu se donne lui-même » (G 14-60-1), « Il était environ midi » (U 14-68-1). Il en existe d’autres, éventuellement, qui permettent de déployer l’évangile de la Samaritaine, comme « Source d’eau vive » (G 177bis).

Deuxième scrutin

Le quatrième dimanche de Carême est lu l’évangile de l’Aveugle-né guéri et illuminé par le Seigneur. « L’aveugle se lava les yeux à la piscine de Siloé, Siloé qui veut dire envoyé. Autrement dit, il fut baptisé dans le Christ. Si donc Jésus lui ouvrit les yeux en le baptisant en lui, d’un certaine manière on peut dire qu’il fit de lui un catéchumène quand il lui fit une onction sur les yeux. » (St Augustin)

Deux chants ont été spécialement écrits pour la célébration de ce deuxième scrutin : « Aveugle de cœur » (G 14-61-1), « Dis-nous comment se sont ouverts tes yeux » (U 14-69-1). Mais on peut chanter aussi : « Ouvre mes yeux, Seigneur » (G 79-1) ou « lumière pour l’homme » (E 61).

Troisième scrutin

Le cinquième dimanche est lu l’évangile de la résurrection de Lazare à qui le Christ rend la vie. « Écoutez, écoutez ce que dit Jésus : “Je suis la résurrection et la vie.” Toute l’attente des Juifs était de voir revivre Lazare, ce mort de quatre jours. Écoutons, nous aussi, et ressuscitons avec lui. Il est la résurrection parce qu’il est la vie. “Celui qui croit en moi, même s’il est mort, vivra” ; même s’il est mort comme Lazare, il vivra ; parce que Dieu n’est pas le Dieu des morts mais des vivants. » (St Augustin)

Deux chants ont été écrits pour la célébration de ce troisième scrutin : « Seul maître de la vie » (G 14-62-1), « Il a passé la mort » (G 14-63-1). D’autres permettent de prolonger l’Évangile entendu : « Ne craignez-pas » (G 139) ou « Oui, je me lèverai » (G 48)

Célébration des scrutins

Pourquoi renouveler trois fois le même rite ? La réponse est généralement claire quand on interroge les catéchumènes. À l’approche du baptême, ils ressentent leur état de pécheur, ce qui dans leur vie fait obstacle à l’amour de Dieu et ils sont heureux que cette célébration répétée les aide à se tourner vers le Seigneur de miséricorde. Quant au rituel, il donne ainsi le sens des scrutins : « Pour éveiller le désir d’être purifié et racheté par le Christ … d’autre part, ils permettent (aux catéchumènes) d’être instruits peu à peu du mystère du péché et de ses conséquences présentes et futures. Du premier au dernier scrutin, les futurs baptisés approfondissent leur désir de salut et la découverte de tout ce qui s’y oppose. » (Rituel, n°151).

Et encore : « (Les scrutins) ont un double but : faire apparaître dans le cœur de ceux qui sont appelés ce qu’il y a de faible, de malade et de mauvais pour le guérir, et ce qu’il y a de bien, de bon et de saint, pour l’affermir. Ils sont donc faits pour purifier les cœurs et les intelligences, fortifier contre les tentations, convertir les intentions, stimuler les volontés, afin que les catéchumènes s’attachent plus profondément au Christ et poursuivent leur effort pour aimer Dieu. » (Rituel, n°148) Déjà se dessine là l’enracinement du sacrement de pénitence et de réconciliation. Ces liturgies en constituent en quelque sorte une initiation.

Les trois scrutins, rites brefs, ont une même structure, très simple. Ils prennent place après l’homélie et s’appuient, chacun des trois dimanches, sur l’Évangile cité.

  • Les catéchumènes sont invités à s’avancer et à s’incliner ou à se mettre à genoux.
  • Suit un temps de prière silencieuse, puis une prière litanique (deux choix possibles) pour les catéchumènes, mais aussi pour les membres de la communautés chrétienne et pour tous les hommes.
  • Vient alors la prière d’exorcisme (deux choix aussi) qui est d’une belle profondeur, en lien avec l’Évangile, dite par le prêtre ou le diacre qui préside l’assemblée. Celui-ci étend les mains sur les « appelés » pour la dernière partie de la prière, éventuellement précédée d’une imposition de la main sur chacun.
  • Enfin, les catéchumènes sont normalement renvoyés, sous la protection du Seigneur, et invités à revenir le dimanche suivant.

L’exorcisme

Le mot « exorcisme » provoque quelques répulsions à cause de la réalité qu’il évoque. Pourtant, c’est bien au moyen d’exorcismes que les scrutins sont accomplis (Rituel, n°148). On retrouve d’ailleurs une prière d’exorcisme également avant le baptême des petits enfants, généralement suivi de l’imposition de la main.

L’exorcisme n’est pas un rite d’expulsion. Comme expliqué précédemment1, les exorcismes sont destinés à délivrer de l’influence du Mauvais, à ouvrir à la grâce du Christ : « instruits du mystère du Christ libérateur du mal et délivrés des suites du péché et de l’influence du diable, ils sont fortifiés dans leur itinéraire spirituel et ils préparent leur cœur à recevoir les dons du Sauveur. » (Rituel, n°150)

Toutes les prières d’exorcisme prévues par le rituel sont inspirées des Évangiles des scrutins. Elles s’adressent à Dieu pour lui confier les catéchumènes et demander pour eux la force pour combattre, afin qu’ils soient libérés de la puissance du mal et des ténèbres et qu’à la suite du Christ, ils puissent avancer avec confiance vers le moment de la nouvelle naissance.

Transmission des traditions

Le rituel prévoit de transmettre aux futurs baptisés le Symbole de la Foi, et le Notre-Père, pendant le Carême, si cela n’a pas déjà eu lieu. En fait, en France, la pratique la plus répandue est de le faire plutôt au début du catéchuménat (c’est ce que nous avons préconisé dans Célébrer n°282, p. 14-16).

 

Service National de la Pastorale Liturgique et Sacramentelle